Vous aviez peur d'avorter, vous l'avez fait, vos témoignages

Publié le par Aglaeelola

Pour ma part, j'ai eu très peur d'avorter, je me sentais déjà attachée à ce qui se passait en moi, mais ma situation économique et financière ne me le permettait pas.
Coincée à l'étranger (j'ai découvert ma grossesse le jour où j'ai pris l'avion), prendre une décision a été un véritable enfer. Je sentais ce bébé possible et je me demandais si je devais le garder ou non. J'ai commencé à tout questionner: ma vie, mon ressenti, le moment pour être mère, l'argent, l'avenir, ma situation économique, familiale. Un enfer. Je ne souhaitais pas être enceinte, par un échec de contraception, ça m'est tombé dessus.

On se demande toujours, avant, ce que cela fait d'être enceinte, comment cela se passe dans le corps, dans la tête quand on fait son test de grossesse et qu'il est positif. On se demande ça depuis toute petite. Et bien moi, quand ça m'est arrivée, j'étais terriblement angoissée, je ne voulais pas, ne pouvais pas, ne comprenais pas pourquoi ça m'arrivait à moi. J'ai pleuré tout ce que j'ai pu sous la douche, j'ai même voulu ne pas y croire, oublier avant de comprendre très vite, que je ne pouvais pas faire comme si je n'avais pas vu le résultat du test.

J'ai annoncé la nouvelle à mon copain, qui n'était ni totalement emballé, ni horrifié, qui attendait surtout ma réaction.
A partir de là, j'ai souhaité ne pas céder à la panique et prendre le temps de réfléchir réellement à la suite de l'histoire. 
Il m'a fallut du temps pour admettre que j'étais enceinte sans l'avoir voulu. Vous voyez, je me disais: "c'est un signe, le destin, si ça arrive c'est que peut être il le faut". Maintenant j'ai accepté l'idée que je ne contrôle pas complètement mon corps. Quand bien même j'ai une contraception, je fais l'amour et je peux tomber enceinte, contre ma volonté. C'est dur de se rendre compte de son impuissance face à ça. Une fois fait, interrompre sa grossesse prend un sens. Ce ni plus facile, ni plus simple, mais cela a un sens. C'est ce sens là que j'ai voulu trouver. Et c'est pourquoi je me suis posée autant de questions.

Des oiseaux de mauvaises augures m'ont promis la dépression si j'avortais, la mort, la déchéance. J'avais peur que cela soit vrai. Heureusement, j'ai fait ce choix là seul, isolée de ce que j'avais pu entendre, de ce qu'on pouvait me raconter. J'étais aussi prête à poursuivre ma grossesse malgré le fait que mon entourage ne le veuille pas. C'était MA décision, elle ne regardait que moi. Et aussi mon copain, mais lui, il me suivait dans tous les cas.

Un matin, j'ai décidé d'avorter. Pourtant, je n'étais toujours pas sûre de moi, à la prise des cachets. Lorsque 24h plus tard, je me rendais à l'hôpital pour une intervention chirurgicale sous anesthésie locale, j'étais effondrée. Non pas parce que je regrettais mon choix, mais parce que je devais subir cela, décider alors que jamais je n'aurais voulu avoir à faire un tel choix dans ma vie. Pour moi, c'était un double échec: ne pas pouvoir poursuivre une grossesse et être obligée de vivre l'IVG.

Et bien quand je suis sortie de l'hôpital, j'étais heureuse et soulagée. J'avais fait quelque chose de dur, difficile. Mais je m'étais accrochée. Et j'ai enfin senti au fond de moi, là où il n'y avait plus de "bébé possible" que j'avais pris la bonne décision.
Les jours suivants ont été délicats. J'étais très fragilisée, déprimée, souvent je doutais encore. Cet acte remettait en question mon couple, je ne savais plus quoi croire.
Et puis les coups de déprime se sont espacés. Ils ont enfin été rares. Très rares.

 

Aujourd'hui, je suis heureuse de ne pas avoir menée ma grossesse à terme. Cet enfant possible, il n'avait pas de place. Je ne pouvais pas me permettre de faire le choix égoïste de mettre au monde un enfant, sans argent, sans situation professionnelle stable, sans temps nécessaire à lui accorder.
A celles qui pensent que j'ai sacrifié un "enfant" à mon confort de vie, je vous répond "du confort de vie je n'en ai pas". Voilà la raison.
Avec mon copain, on s'aime. On considère que nous avons déjà eu un projet d'enfant ensemble, et qu'il n'a pas pu aboutir et que l'on a bien fait. Bien sûr que c'est triste. Oui c'est difficile, extrêmement difficile. Je le sais, c'est moi qui l'ai vécu. Mais c'était un mal obligatoire.
Aujourd'hui, quand je vois des poussettes et des mamans, je ne vois plus que la réalité des choses. Loin des rêves de "pouponner" que je m'étais inventé, je me rend compte qu'un enfant à cette période de ma vie aurait été un échec. Pour lui, pour mon couple, pour moi.
Ce n'était pas le moment, c'est pourquoi il n'était pas désiré.

Je ne crie pas "vive l'IVG" car l'IVG est un échec, c'est sûr. Un moment de vie de femme extrêmement difficile. Je n'oublierais jamais ce que j'ai vécu, ni ce que j'ai ressenti, ni à quel point j'aurais voulu mettre un enfant au monde dans un monde parfait. Je vais bien. J'ai retrouvé ma sérénité. Je construis jour après jour mon monde parfait, pour qu'un jour, je puisse accueillir un enfant désiré, que je puisse élever, sans jamais oublier l'idée que j'avais de celui que j'ai décidé de ne pas avoir.

Oui l'IVG c'est un moment compliqué. Et s'il est très important de ne faire ce choix que pour soi, c'est justement parce que c'est le seul moyen de continuer à avancer ensuite.
Si vous voulez garder votre bébé et le mettre au monde, ne laissez personne vous en empêcher.
Si vous ne le voulez pas, sachez qu'il est possible de continuer sa vie, et de continuer à la trouver jolie cette vie. Cette vie, après.

 

Publié dans Témoignages

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M
Bonjour à toutes, je vous conseille le site suivant : "Parler de mon IVG" : http://bit.ly/2clMsPv <br /> <br /> C'est un site de témoignage vidéo de femmes qui sont passées par l'avortement.<br /> Il permet de dédramatiser le sujet, et d'orienter la question sur le ressenti psychologique et les conséquences, et non pas sur le débat politique. Je pense qu'il est très important d'encourager ces initiatives, surtout dans le monde d'aujourd'hui.<br /> <br /> J'aurais aimé avoir des témoignages de ce genre lorsque je me suis retrouvé dans cette situation. <br /> <br /> Je vous souhaite bon courage à toutes, et beaucoup de bonheur.
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B
Je viens de lire ton message et je me retrouve dans tes ressentis, dans tes mots pour l'exprimer. Comme toi, je traverse cette ambivalence en pleurant beaucoup. Une partie de moi ne désire pas être responsable de l'arrêt mais une autre me répète que non, vraiment non ce n'est pas le moment. C'est dur. Je m'en veux de ma négligence dans ma contraception. J'ai 37 ans et cette situation je la vis pour la première fois ... c'est dur et quelque soit mon choix final ... ça impactera. Merci pour ton message Caroline
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A
Merci pour ton témoignage.. je me retrouve tellement dans tes propos.. je vais subir mon ivg demain matin.. je n'ai plus de doute de ma décision mais la culpabilité est bel et bien là..
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M
Merci infiniment pour ce partage , je dois subir une ivg jeudi prochain , et c'est exactement ce que je ressens merci de me faire sentir moins seule et merci de me rassurer par ton témoignage pour l'avenir
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L
Merci, tellement, pour ce témoignage.... Je viens d'apprendre que je suis enceinte, quand j'ai annoncé la nouvelle a mon copain, il était comme tu le décris, ni horrifié ni fou de joie, juste inquiet: comment réagir? Quelle décision prendre? Il m'a laissé faire des rêves et découvrir tout ce qu'être enceinte impliqué, en une semaine et puis j'ai commencé a douter et il m'a avoué qu'il doutait également, un enfant c'est beau mais ca suppose tellement de conditions pour que le tableau soit parfait: beaucoup de dépenses pour vivre confortablement a 3.... J'ai vu ton article et je me suis sentie moins coupable, désormais je pense arriver à envisager l'IVG. Mon compagnon est au chômage et je veux lui donner le temps qu'il faut pour être un heureux papa et pas juste anxieux. Je préfère prendre une décision et assumer pleinement par la suite.
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